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Jean-Baptiste ROBIN
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Fantaisie Mecanique | Musique avec orgue et orchestre, piano, trompette et clarinette



Distinctions:
La Clef du Mois (mai 2017) - Resmusica
5 de Diapason (mai 2017)
4 étoiles de Classica (juin 2017)


1 - Mechanic Fantasy pour orgue, orchestre à cordes et timbales

2 - Étoile intérieure pour piano et orgue

3 - 5 Récits Héroïques pour trompette et orgue
1. Appel
2. L'ange noir
3. Épopée

6 - 8 Trois Solos pour orgue

9 - Chant de l'Âme pour clarinette et orgue

10 - Regard vers Agartha pour orgue à quatre mains

11 - 15 Cinq Versets sur le Veni Creator pour orgue
1. Ciel éternel
2. Flamboiement
3. Le temps qui danse
4. Au-delà
5. Veni Creator Spiritus

Orchestre Régional de Normandie, dir. Jean Deroyer
Romain Leleu, trompette
François Chaplin, piano
Philippe Cuper, clarinette
Frédéric Champion et Jean-Baptiste Robin, orgue

Prise de son:
Christoph Martin Frommen et Timothée Langlois
Post-production:
Olivier Rosset

Orgue:
Orgue Stahlhuth / Jann de l'église Saint-Martin de Dudelange (Grand-Duché de Luxembourg)

Présentation par Yannick Merlin

Des mécanismes mécaniques à l'harmonie des sphères

Mechanic Fantasy. Dans l'univers de Jean-Baptiste Robin, l'oxymore est un ressort souvent mis en action. Avec son concerto pour orgue, les mécanismes mécaniques se frottent à la fantaisie et au lyrisme, effets également utilisés dans Crop circles pour orchestre. Des ostinatos et des mélodies circulaires évoquant le cliquetis tourbillonnant des aiguilles dans le cadran d'une horloge viennent se heurter contre la chaleur d'une mélodie véhémente et souple. Le médiateur qui réconcilie et finit par unir ces deux forces est une machine mue par un mécanisme particulièrement ingénieux et complexe, pourtant empreinte de musicalité fantaisiste et ductile capable d'émouvoir, la machine-orgue.
Et c'est bien naturellement l'orgue qui est au centre de ce disque. Instrument de prédilection de J.-B. Robin, il est son confident mais aussi la matrice de ses actes créateurs les plus ambitieux. C'est à lui qu'il a confié ses premiers essais ainsi que la mise en pratique de son langage. Le choix des oeuvres contenues dans cet enregistrement, vont nous permettre d'observer quelques traits caractéristiques de la manière du compositeur.

La musique de Jean-Baptiste Robin est souvent puissamment évocatrice. C'est peut-être son aspect le plus prégnant et le plus immédiatement reconnaissable. Elle narre, décrit, évoque, stimule l'imaginaire. Elle a une force tourmentée qui nous porte vers des sensations souvent antagonistes, vers des états tour à tour extatiques ou affolés. Elle peut aussi réveiller en nous des sentiments primitifs, inconscients, quasi ésotériques. Cet univers singulier, J.-B. Robin le façonne depuis sa première oeuvre en 1999. Il dessine le contour d'un catalogue varié et original, englobant actuellement une quarantaine d'opus.
L'intérêt accordé au pouvoir suggestif de la musique est fréquemment sous-tendu par une référence extra-musicale. Que ce soit une légende (Récits héroïques), l'évocation d'un lieu fabuleux (Regard vers Agartha), un déroulé imaginaire ou poétique (Chant de l'Âme, Trois éléments d'un Songe), une atmosphère caractérisée (Regard vers l'Aïr), ou un conte (Reflected faces). Quand l'explicite n'est pas donné par le titre, ce sont alors les didascalies de la partition qui prennent le relais et suggèrent de nouveaux détails.
Le langage harmonique de J.-B. Robin est une véritable cosmogonie musicale. La création de ce verbe musical inédit est le fruit d'une mise au point très rigoureuse d'un ensemble de règles soumis à une stricte symétrie. Ainsi, la grammaire musicale du compositeur (modes et accords réfléchissants, mélodies circulaires) féconde chacune des oeuvres mais aussi chaque oeuvre entre elle. Mais loin de s'enfermer dans le piège d'une lassitude que pourrait engendrer des principes trop rigides et restrictifs, le langage musical de J.-B. Robin se renouvelle presque indéfiniment grâce aux incommensurables possibilités offertes par ses trente-cinq modes sous-chromatiques (dont certains possèdent un centre de symétrie, réel ou virtuel) et accords réfléchissants.
Le compositeur porte une attention majeure à la forme qu'il donne à chacun de ses opus. La forme donne sens et force, éléments majeurs mis en action dans la conception architecturale du discours musical. Dans Étoile intérieure, une structure en arche soutient l'expansion progressive d'une idée introspective qui, après un développement tourmenté, retrouve son état originel.
La notion de circularité des thèmes est à envisager dans une échelle plus vaste, car ils sont fréquemment réutilisés dans plusieurs oeuvres différentes. Sans souci d'exhaustivité, on peut retrouver la mélodie tournoyante qui ouvre Crop circles dans le deuxième Solo, dans le cinquième verset sur le "Veni creator", au sein du motet En clara vox ainsi que dans la première passacaille de Regard vers Agartha. De même, la "Traversée des morts" extraite de Trois nuits se retrouve dans le début de la première passacaille de Regard vers Agartha. Le thème de "l'appel" de la deuxième passacaille de Regard vers Agartha (au caractère impérieux) quand à lui, est exposé par la clarinette au début du Chant de l'Âme (là il devient une plainte presque imperceptible). Prenons ce dernier exemple comme témoin de la polyvalence protéiforme de ces mélodies qui naviguent d'une oeuvre à l'autre, dont la nature reste inchangée, mais qui sont capables de se présenter sous des caractères bien différents en fonction des besoins psychologiques. Nous pensons ici à une transposition de la transformation thématique lisztienne.
"Ça et là flottaient des amas de nuages noirs et déchiquetés laissant entrevoir d'étranges perspectives dans la profondeur dorée des cieux." (H. Hesse). Les confrontations antagonistes apportent une saveur chère à J.-B. Robin. Elles lui donnent l'occasion d'apporter un éclairage particulièrement subtil à la dramaturgie de son discours musical. Il s'en explique ainsi : "Dans la juxtaposition de deux états opposés, c'est l'espace entre les deux qui m'intéresse, cet entre-deux poétique que l'on meuble à l'envi. Comme ce hiatus suspendu qu'il y a entre un puissant accent et le tapis sonore pianissimo qui suit immédiatement..."
J.-B. Robin a trouvé sa propre voie dans l'art de la paraphrase grégorienne, malgré les traces importantes déjà laissées en ce domaine par ses illustres ainés (Escaich, Paulet, Roth...). On peut découvrir l'un ou l'autre thème, constitué de manière inconsciente à partir de mélopées grégoriennes, comme la première mélodie de Mechanic Fantasy dont le profil initial fait songer au Dies irae. Ce sont les Cinq versets sur le "Veni creator" qui constituent actuellement son ouvrage le plus conséquent dans ce domaine. Cette oeuvre présente la particularité de traiter chacune de ses parties dans l'esprit du figuralisme baroque.

"[...] C'était une musique ineffable et profonde,
Qui, fluide, oscillait sans cesse autour du monde,
Et dans les vastes cieux, par ses flots rajeunis,
Roulait élargissant ses orbes infinis
Jusqu'au fond où son flux s'allait perdre dans l'ombre
Avec le temps, l'espace et la forme et le nombre ! [...]" (V. Hugo, "Ce qu'on entend sur la montagne", extrait des Feuilles d'automne)

Le monde musical de J.-B. Robin semble s'inspirer de l'universalité du principe de l'harmonie des sphères, lequel permet l'accès à l'harmonie céleste qui régit les planètes du cosmos. Il s'agit d'une thématique importante pour le compositeur, dont le dessin de Jupiter et ses anneaux est reproduit dans la préface de l'édition des Cercles réfléchissants et dont une image de Saturne orne la couverture d'un enregistrement monographique. Les analogies entre l'harmonie des sphères et les techniques récurrentes utilisées par J.-B. Robin (interdépendances à divers niveaux au sein de chaque oeuvre) et entre l'harmonie céleste dont chaque composante astrale serait une oeuvre différente de son catalogue, s'éclairent d'une coloration nouvelle.
Enfin, avec Boèce, considérons deux des trois principes qui dirigent l'harmonie universelle, Musica mundana et Musica humana. Le premier, qui régit les lois de l'univers (macroscopique) serait l'oeuvre de J.-B. Robin (même en devenir, n'étant pas, par essence, achevée), le second, qui régit les rapports entre l'âme et le corps des hommes (microscopique), serait ce que le compositeur nomme un "paysage minéral" quand il parle de "l'harmonie" (et donc de son langage) : "un seul accord, bien que statique, contient tout un univers." Chacune des multiples gemmes qui composent ces paysages minéraux font réfléchir et irradier les harmonies et les sonorités de J.-B. Robin. Un univers infini se dévoile alors.
© Yannick Merlin


Critique Resmusica, le 23 avril 2017 par Frédéric Muñoz

Depuis une quinzaine d'années, le compositeur et organiste Jean-Baptiste Robin s'est imposé comme une figure musicale marquante de notre temps, au travers d'oeuvres originales et profondément sensibles. Cet enregistrement regroupe quelques compositions significatives qui confirment l'art inventif et inspiré de ce jeune musicien.

Il y a peu de temps, Jean-Baptiste Robin participait à un projet autour des Hymnes de Nicolas de Grigny, confrontées à cinq compositeurs contemporains. À cette occasion, il proposait en miroir une version du Veni Creator, conforme à la tradition par la présence permanente du chant de l'hymne, mais à la fois riche d'une inventivité narrative et passionnée. Cette oeuvre clôture le présent CD, sur un autre orgue et entourée d'autres pièces du même auteur. La comparaison est révélatrice d'une composition en mouvement, recréée dans un nouveau contexte.

Jean-Baptiste Robin est organiste, aussi son instrument de prédilection occupe-t-il une place centrale dans ses oeuvres. Tout au long du CD, on est captivé par la présence de l'orgue de Dudelange, symbole d'un instrument de notre temps, permettant toutes les possibilités de timbres, de contrastes et d'espaces possibles et imaginables. Tour à tour se mêlent divers instruments solistes, trompette ou clarinette, ainsi qu'un orchestre dans la première pièce du CD, intitulée Fantaisie mécanique.

Dans son discours musical, Jean-Baptiste Robin préserve toujours la mélodie et le rythme, deux piliers essentiels de son univers. Ces deux paramètres soutiennent une inspiration immédiatement perceptible par l'auditeur, qui peut alors faire sienne une émotion qui le touche au plus profond. On demeure captivé par les climats, à l'instar de ceux de Jehan Alain, que l'auteur d'ailleurs connaît bien, et dont il s'inspire à son bénéfice. Les fins de pièces sont, à cet égard, empreintes de magie, de temps suspendu ou au contraire instantanément interrompues. Certaines compositions excitent l'imaginaire : Étoile intérieure, par exemple, qui voit un rapprochement troublant du piano et de l'orgue, semble évoquer cette fameuse « Étoile du matin », source de vie. Le déroulement même de la pièce le suggère assurément. Chaque autre composition du programme apporte une pierre originale, que ce soit en dialogue avec la clarinette ou la trompette, ou avec l'orgue solo à deux ou quatre mains. On se reportera au texte très autorisé de Yannick Merlin qui analyse l'ensemble du programme. Au-delà de ces indispensables commentaires, l'auditeur se laissera guider par son propre instinct et par la séduction d'une musique profondément humaine. Pour cela, une équipe d'interprètes de premier plan viennent prêter leur concours à l'organiste-compositeur. Tous sont imprégnés par l'intelligence et la maîtrise du discours, ce que vient valoriser la prise de son très précise et chaleureuse de Christoph Frommen et Timothée Langlois.

Aux côtés d'autres parutions discographiques de Jean-Baptiste Robin, celle-ci résume sans doute le mieux l'art de ce compositeur. On se tournera donc vers elle en priorité pour mieux faire connaissance, et approfondir encore cette musique.
Frédéric Muñoz, le 23 avril 2017