Jean-Baptiste ROBIN (1976-)
1) Improvisation on Fairy Tales
Piotr TCHAÏKOVSKY (1840-1893)
2) Dance of the Sugar Plum Fairy from The Nutracker
Jules MASSENET (1842-1912)
3) Les Mandores from Cendrillon
Maurice DURUFLÉ (1902-1986)
Suite Op. 5
4) I. Prélude
5) II. Sicilienne
6) III. Toccata
Claude DEBUSSY (1862-1918)
7) Clair de lune (from Suite bergamasque)
© Le Chant du Monde
Marcel DUPRÉ (1886-1971)
8) Deuxième esquisse Op. 41, No. 2 in B-flat minor
Frédéric CHOPIN (1810-1849)
9) Prelude No.15 from Op. 28
Maurice RAVEL (1875-1937)
Ma Mère l'Oye / Mother Goose
10) I. Pavane de la Belle au bois dormant / Pavane of the Sleeping Beauty?
11) II. Petit Poucet / Little Tom Thum'
12) III. Laideronnette, impératrice des pagodes / Little Ugly Girl, Empress of the Pagodas'
13) IV. Les Entretiens de la Belle et de la Bête / Conversation of Beauty and the Beast
14) V. Le Jardin féérique / The Fairy Garden
Jean-Baptiste ROBIN (1976-)
15) The Hands of Time © Gérard Billaudot
First premiere recording commission from the American Guild of Organists for the Biennal National Convention in Kansas City, 2018
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2), 3), 7), 9), 10) to 14) : transcription by Jean-Baptiste Robin
7) transcription published by Le Chant du Monde
15) Score published by Gérard Billaudot Editeur
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Jean-Baptiste Robin, organ
Recording : July 10, 2018 at the Walt Disney Concert Hall of the LA Phil.
Sound Recording : William Lund and Kathrine Handford (Digital on location)
Audio Mastering : Timothée Langlois
Tuning of the organ : Manuel Rosales
Thanks to Philip Smith, Kevin R. Cartwright, Ayrten Rodriguez for them very kind help.
Jean-Baptiste Robin would like to thank Lawrence Hutchens who sponsored this audio recording and who made it possible.
Les mondes de l'enfance, de la féérie, du fantastique sont également ceux par excellence de la musique. Walt Disney s'est inspiré de ces univers pour ses célèbres dessins animés (Blanche Neige, Pinocchio, Cendrillon, Alice au pays des merveilles, Peter Pan, La Belle au bois dormant, Merlin l'Enchanteur ou Le Livre de la Jungle), dans lesquels la musique participe autant que l'image à la création d'ambiances poétiques ou angoissantes. Et Fantasia n'est-il pas construit comme une partition où Bach, Tchaïkovsky, Dukas, Stravinsky, Beethoven, Moussorgsky et Ponchielli se côtoient allègrement - Le programme de ce disque nous raconte une histoire, à la manière du « Il était une fois » (Once upon a time) par lequel débutent tous les récits féériques. Il évolue à travers contes, évocations, états d'âmes et s'interroge également sur le temps qui passe. Mais, in fine, c'est ici l'orgue qui raconte sa propre histoire car Jean-Baptiste Robin fait sonner l'instrument de toutes les manières possibles, avec une imagination sans faille. Passant tour à tour de l'improvisation à des transcriptions inédites, de l'utilisation d'oeuvres du répertoire à une création originale, l'interprète déploie ici tout son art et toute son imagination coloristique. C'est donc tout autant un voyage dans les sonorités exceptionnelles de l'orgue du LA Phil qu'un programme musical qui raconte qui se voit ici proposé.
Le disque s'ouvre par une improvisation fondée notamment sur la Marche qui, au 1er acte du ballet Casse-Noisette (1892) de Piotr-Illyitch Tchaïkovsky, accompagne la danse des enfants qui viennent de recevoir leurs cadeaux.
Le scénario du ballet Casse-Noisette de Tchaïkovsky est adapté d'un conte féérique de E.T.A. Hoffmann (1816) qui narre les amours enfantines de la petite Clara et d'un casse-noisette reçu en cadeau à Noël, lequel se révèle être un prince charmant. D'abord confrontés à l'armée maléfique du Roi des Souris, ils sont ensuite transportés au Royaume des Délices du palais de Confiturembourg où règne notamment la Fée Dragée. La Danse de la Fée Dragée - et son célèbre célesta aux sonorités irréelles - se retrouve dans Fantasia de Walt Disney. Notons que la Marche qui ouvre ce récital ainsi que cette Danse de la Fée Dragée sont réutilisées dans le film The Nutcracker and the four Realms produit par Walt Disney Pictures et réalisé en 2018 par Lasse Hallström et Joe Johnston.
Le personnage de Cendrillon, popularisé par Charles Perrault, les frères Grimm et Walt Disney lui-même, a également inspiré Rossini, Prokofiev et Jules Massenet pour un opéra (1899). Les Mandores défilent lors du divertissement organisé par le père du Prince Charmant atteint d'hypocondrie, bal au cours duquel Cendrillon apparaît aux yeux du prince ébloui.
La Suite opus 5 de Maurice Duruflé (1933) est dédiée à Paul Dukas, dont l'Apprenti Sorcier joue un rôle important dans Fantasia. Le sombre climat de la passacaille en mi bémol mineur du Prélude se voit ensuite dissipé par une tendre cantilène modale. Suit une fauréenne Sicilienne dont le second thème se souvient de celui de La Péri, ballet de Dukas. Jean-Baptiste Robin voit, dans l'opposition des deux thèmes de la virtuose et éclatante Toccata, un souvenir des ravéliens Entretiens de la Belle et de la Bête. Le premier rappelle celui de la Toccata de Léon Boëllmann (1862-1897), alors que le deuxième est plus gracieux et féérique. Duruflé n'aimait pas sa Toccata, pourtant très populaire aujourd'hui. Jean-Baptiste Robin voit dans l'orgue du Disney Hall un instrument idéalement adapté à la musique de ce compositeur, les indications de la partition s'y révélant en parfaite adéquation avec son esthétique sonore.
Tout autre se présente le Clair de lune de Claude Debussy, troisième partie de la Suite Bergamasque pour piano (1890). Dans le ton nocturne de Ré bémol Majeur, cette pièce devait initialement figurer dans une huitième séquence de Fantasia, finalement non retenue en raison de la durée déjà importante du film. Si plusieurs oeuvres de piano de Debussy ont déjà fait l'objet de transcriptions, l'orgue, jusqu'à présent, n'a que peu suscité l'imagination des transcripteurs. Jean-Baptiste Robin comble cette lacune avec talent.
La deuxième des Deux Esquisses opus 41 de Marcel Dupré (1945), symphonique et emblématique de la virtuosité transcendante du compositeur-interprète, se présente comme une spectaculaire étude d'octaves conçue pour un grand orgue de salle de concert. Jean-Baptiste Robin tend à à rapprocher son climat sombre et véhément de celui de certains contes fantastiques, tout en rappelant que Dupré s'est souvent produit aux Etats-Unis.
Commencés à Paris, les 24 Préludes opus 28 de Frédéric Chopin furent achevés lors du séjour effectué par le compositeur et George Sand aux Baléares (hiver 1838-1839), séjour qui, paradisiaque au début, vira rapidement au cauchemar. Cet épisode a suscité une abondante littérature et les Préludes eux-mêmes ont, à posteriori, été revêtus de scénarios discutables. Ainsi, les notes répétées de la partie centrale du 15ème Prélude ont-elles pu évoquer chez certains les gouttes de pluie tombant lourdement sur le toit de la Chartreuse de Valdemosa à Majorque? La registration choisie par Jean-Baptiste Robin traduit de manière saisissante l'ambiance lugubre de cet épisode, opposé au premier thème onirique et rêveur.
Avec Casse-Noisette, Ma Mère l'Oye (« Cinq Pièces Enfantines pour piano à quatre mains », 1908/1910) de Maurice Ravel est l'oeuvre qui touche au plus près à l'univers de Walt Disney. Le compositeur puise ici son inspiration dans des contes français du 17ème siècle : Perrault pour Le Petit Poucet (avec son mouvement de tierces évoquant l'errance des enfants perdus dans la forêt) et La Belle au bois dormant (noble pavane modale), la Comtesse d'Aulnoy pour Laideronnette, Impératrice des Pagodes (et ses carillons pentatoniques) et Marie Leprince de Beaumont pour La Belle et la Bête (sur deux thèmes fortement caractérisés). Si la sarabande du Jardin féerique ne renvoie à aucun conte précis, elle ouvre directement sur le jardin enchanté de L'Enfant et les Sortilèges. Jean-Baptiste Robin s'inspire ici de la version symphonique de cette oeuvre et met en valeur les jeux de fonds de l'orgue, les jeux d'anches solistes (Clarinette, Cor Anglais, Cromorne, Hautbois) ainsi que la finesse poétique des trois boîtes expressives.
Si le conte de fées a pour vocation de susciter la réflexion sur la notion de temps, The Hands of Time de Jean-Baptiste Robin place celle-ci à la base de sa construction. Ici « les mains de l'organiste sont appelées à recréer des sonorités d'horloges et à évoquer des sonorités circulaires représentant les aiguilles d'un cadran ou le mouvement des astres ». Ses deux thèmes « culminent sur douze accords répétés qui évoquent les douze divisions du temps [?]. L'écoulement inexorable du temps et l'envoûtement de ses éléments ont teinté mon imaginaire d'énergie et de mort, de temps et de silence, de présent et de passé ». Jean-Baptiste Robin nous livre dans cette page sa vision du temps, devenu ici un personnage à part entière dont l'auditeur suit les différentes péripéties. La pièce, commande de l'American Guild of Organists à l'occasion du congrès bisannuel à Kansas City en 2018, a déjà fait le tour du monde sous les doigts de nombreux interprètes. Elle est dédiée à l'organiste Todd Wilson qui l'a créée dans cette ville le 5 juillet 2018.
Gilles Thiéblot