NOTE DE PROGRAMME
Cet ouvrage pour choeur d'enfants et orgue s'articule autour de plusieurs Émergences. Émergences dans le sens où l'oeuvre évoque une montée des abysses vers la surface de la mer, jusque dans les nuages qui font partie intégrante de l'océan. Émergences également car les sons du choeur se transforment peu à peu de la simple voyelle jusqu'à l'énonciation d'un poème.
Ainsi, le début de l'oeuvre - une évocation des fonds d'océans - commence par une musique au caractère général statique où les voix ne font entendre que quelques voyelles. Les sonorités du choeur se transforment peu à peu et forment des « mots » ou les chanteurs récitent quelques noms de ces êtres vivants étonnants qui vivent à partir de quatre milles mètres sous le niveau de la mer. Pour l'évocation des fonds marins situés entre deux cents mètres et le niveau zéro, les « mots » du choeur font place à des phrases en latin extraites de l'Enéide de Virgile. Suit ensuite des poèmes en français pour exprimer les différentes humeurs de la surface des mers : Victor Hugo (« En pleine mer », extrait de La Légende des siècles, 1858, pour l'évocation de la tempête), mais aussi Charles Baudelaire (« Moesta et errabunda», extrait des Fleurs du Mal) et des extraits de poèmes d'Édouard Glissant. La pièce se termine enfin sur quelques vers de Philippe Jaccottet évoquant les nuages (extraits de Poèmes figurant dans Air).
L'écriture musicale de la pièce suit à plusieurs reprises cette progression de l'obscurité vers la clarté, du statisme vers le mouvement continu, formant ainsi des mouvements en forme de vagues. Le langage mélodique et harmonique employé est significatif de ce cheminement : plus l'oeuvre se déroule dans le temps, plus les mélodies circulaires et les modes et accords réfléchissants[1] « émergent ». Le dernier mouvement est à ce titre l'aboutissement de l'oeuvre car tout y est « réfléchissant ». De larges successions harmoniques issues de ces modes rendent le discours de plus en plus ascendant, un peu comme une vague qui tente de s'évaporer peu à peu.
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[1] Pour la liste des 27 modes réfléchissants et des modes à symétrie répétitive, voir Jean-Baptiste Robin, « Modes et accords symétriques », inédit, 95 p.