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Jean-Baptiste ROBIN
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Divins mystères | Inédits à la chapelle royale de Versailles

Manuscrits redécouverts
Par Jean-Baptiste Robin

C'est une grande émotion que d'enregistrer pour la première fois des œuvres restées dans le silence pendant
plus de 300 ans. Depuis des années, la musique d'orgue française baroque n'a pas connu de redécouverte significative et je me réjouis que ce soit ici à Versailles, à l'orgue de la Chapelle royale, que ces œuvres reprennent vie.
L'histoire de la musique récente nous offre quelques exemples de manuscrits redécouverts dans des bibliothèques, chez des collectionneurs, parfois secrètement gardés ou parfois simplement égarés. Les pépites sont rares et les dernières en date remontent aux pièces de Louis Couperin redécouvertes en 1957, au Livre d'orgue de Montréal mis au jour en 1978 ou encore le Livre d'orgue de Limoges redécouvert grâce au don d'un collectionneur en 1992.

Les pièces enregistrées ici proviennent de deux sources différentes, récemment redécouvertes, et d'une importance parfois notable.
– Un manuscrit actuellement situé à l'Université de Berkeley en Californie et qui contient cinq hymnes sans mention du compositeur. Il est référencé MS776, acheté en 1968 à un musicien américain, EverettHelm,saprovenanceantérieureest malheureusement inconnue.
Il contient également une copie très fidèle du Troisième Livre de Nicolas Lebègue.
En parallèle à la sortie de cet enregistrement, la partition sera disponible aux éditions du Centre de Musique Baroque de Versailles.
– Le deuxième manuscrit est partiellement enregistré dans cet album car il comporte 111 pièces. II a été acquis en 2008 par la claveciniste Catherine Caumont chez un antiquaire de la ville d'Amiens qui l'avait lui-même acheté lors d'une vente aux enchères à Honfleur.
Ce manuscrit dit Caumont Orgue date de 1707, il comporte 81 œuvres sans identification de compositeurs et sans aucune autre source connue. Il présente aussi des pièces déjà identifiées d'André Raison, Nicolas Lebègue, Guillaume- Gabriel Nivers et Jacques Boyvin. Nous avons choisi ici d'enregistrer 21 œuvres non attribuées, inédites au disque, et aussi une superbe Tierce en taille inédite de Jacques-Denis Thomelin qui fut organiste à la Chapelle Royale de Versailles et qui fut le Maître de François Couperin. Sa Tierce en taille annonce clairement la Messe des Couvents du jeune Couperin.

Les pièces inédites du manuscrit Caumont comptent des œuvres de premier ordre. Le Grand Dialogue de Voix Humaine est significatif par sa qualité et par sa durée (62 mesures). Le Récit du 5ème ton comporte une ligne vocale très inspirée et unique par ses silences introductifs.
Certaines pièces attirent particulièrement l'attention par leur originalité et leur beauté, comme la volubile Vitesse des deux mains sur la Petite Tierce ou encore un Petit Dialogue Meslé de Trios qui rappelle la partie initiale de l'Offertoire des Paroisses de François Couperin. Les pièces plus brèves font preuve d'une réelle maitrise de la composition et méritent selon nous
pleinement une redécouverte (les tierces en taille, duos, basses de trompette).

L'Offerte : Grand Dialogue à trois ou quatre chœurs avec le tremblement à vent perdu et le Dialogue pour le tremblant à vent perdu à 4 chœurs évoquent la grandeur des compositeurs du Grand Siècle et figurent parmi les pièces les plus développées de notre répertoire. Nous avons souhaité utiliser élégamment le tremblant fort de l'orgue de Versailles afin de retranscrire l'intensité dramatique du tremblant à vent perdu sur les timbres des trompettes.
À la lecture des deux manuscrits, le nom de Jacques Boyvin s'impose progressivement pour les pièces anonymes et avec une certaine évidence. Jon Baxendale dans la préface détaillée de l'édition du manuscrit Caumont Orgue expose des arguments solides pour l'attribution des pièces à Boyvin et nous pensons que les cinq hymnes présentent des caractéristiques rythmiques, des dénominations de pièces et de claviers, une notation particulière pour les ornements qui rappellent ce compositeur. De nombreux extraits des hymnes se retrouvent presque note
pour note dans les livres de Boyvin. La coïncidence devient plus que troublante.
Le Prélude à deux chœurs du 5ème ton du manuscrit Caumont Orgue est très similaire à celui du Premier Livre de Boyvin, à ceci près que celui de Caumont est encore plus écrit et plus abouti !
Les cinq hymnes forment un trait d'union avec celles de Nivers et celles de Nicolas de Grigny. Comme chez ces deux auteurs, le Récit du Pange lingua reprend le plain- chant en l'ornant de bout en bout à la manière du choral orné germanique. Certaines hymnes sont destinées à des voix hautes, probablement pour des religieuses et de petits instruments, et d'autres (Victimæ Pachali et Ave Verum) sont composées dans les tons pour voix basses pour l'église. Le premier verset du Victimæ Paschali est simplement en basse chiffrée,
sans réalisation, comme le compositeur aurait pu le noter rapidement à son propre usage. Nous jouons donc ici notre propre version en suivant les indications de chiffrage.
La brièveté des hymnes les rend parfaitement adaptées à l'alternatim du XVIIe siècle et l'on peut penser que ces pièces auraient pu servir de modèle à des organistes ou à des élèves débutant leur art. Le modèle nous parait très réussi et le raffinement de l'écriture de certains versets est remarquable.
Avec ces deux manuscrits, nous complétons notre connaissance de la musique d'orgue française du XVIIe siècle qui était, nous le savons, majoritairement improvisée. Outre des modèles de très belle facture, nous avons pu y découvrir avec enthousiasme et satisfaction d'authentiques chefs-d'œuvre.