Au sein d’un catalogue d’ores et déjà opulent, de l’instrument soliste à l’orchestre, le temps qui passe joue un rôle pivot dans l’œuvre de Jean-Baptiste Robin. En témoignent certains titres : La Destruction du temps (orgue, 2020), Click-Time (saxophone, 2019), The Hands of Time (orgue, 2018) ou encore Les Rouages du temps (violoncelle, flûte et orgue, 2019), dont un enregistrement vient de paraître (label Initiale–Harmonia Mundi).
Il en va de même ici : « Est-ce le confinement… - Je me suis plongé dans des temps passés imaginaires, inventant une pièce sur la nostalgie à travers trois thèmes : une mélodie des temps anciens (un peu Renaissance), un thème de trois notes traité en passacaille (le temps inexorable), enfin des tic-tac présents à travers ces 7 minutes 30 de musique. Pour ce qui est de l’origine du titre, j’ai cherché à évoquer par les mots l’aspect révolu, perdu, ancien de ce qu’exprime la musique. Le terme parchemin me semble propice, ainsi que les cendres qui évoquent une vie perdue. Après réflexion, sachant qu’il y a plusieurs thèmes et donc pages distinctes, Parchemins de cendre... » La trompette est elle aussi présente dans l’œuvre du musicien : 24 Études (2020), Chant de l’âme (avec orchestre à cordes, 2014 ; réduction avec piano 2015 ; avec quintette à cordes, 2020), Récits héroïques (avec orgue, 2013). Lequel précise au sujet de Parchemins de cendre : l’œuvre « offre trois types de difficultés distinctes au trompettiste. La première partie est lyrique et fait travailler le phrasé et la musicalité de l’instrumentiste. La seconde partie est axée sur le travail du souffle en raison de valeurs longues atteignant le fortissimo à la fin de la passacaille. Enfin la troisième partie est purement virtuose et composée de nombreuses articulations doubles et triples. »
Gilles Thiéblot propose l’analyse suivante de Parchemins de cendre :
« La pièce repose sur trois éléments thématiques simples qui, chacun à leur manière, font référence au passé et donc à l’idée-force de l’œuvre. Une formule rythmique, sorte de “tic-tac“, image du temps inexorable et qui, sous diverses variantes, étalonne l’ensemble de la pièce. Un thème mélodique lancé par la trompette dans un mi mineur modal, mélopée pseudo-médiévale ou renaissante (comme un chant ancien). Une cellule de trois notes en valeurs longues, motif d’appel qui sonne comme l’amorce d’un cantus firmus grégorien ou d’un choral. L’œuvre s’articule en quatre sections. Moderato, mes. 1-136 : une brève introduction de l’orgue installe la formule du “tic-tac“. La trompette expose le long thème “ancien“, inclus dans une métrique changeante qui lui confère la souplesse des chants populaires d’autrefois, exposition toujours rythmée par le “tic-tac“. Ce thème engendre une série de variations d’ordre harmonique ou rythmique (en diminutions ou augmentations), prises dans une progression dynamique qui se rompt sur une brève cadence de la trompette. Mes. 137-173 : cette deuxième section, introduite par le “tictac“, expose à l’orgue la cellule “grégorienne“ de trois notes, brièvement soumise à un traitement en imitations et combinée à la tête du “chant ancien“, l’ensemble sous-tendu par le “tic-tac“. Mes. 174-217 : la cellule “grégorienne“ engendre une manière de passacaille incluse dans une montée progressive de la dynamique. L’écriture harmonique se tend de plus en plus, « progression dramatique déchirante du temps passé et qui avance inexorablement, désespérément » (J. B. Robin). À deux reprises, un lambeau du “thème ancien“ surgit en valeurs égales à la trompette, image sonore d’une réminiscence que la mémoire ne parvient pas à retenir. Une brève transition de l’orgue demeure en suspens sur l’accord de sixte de la majeur (Misterioso, mes. 218-225) et lance la dernière partie. Mes. 225-311 : ce finale virtuose (Allegro) combine les trois éléments thématiques principaux : le “thème ancien“ et la cellule “grégorienne“ en diminutions rythmiques, et le “tic-tac“, lui aussi soumis à une ultime métamorphose. »
Michel Roubinet